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Panorama sans cérémonies

25 octobre 2011

En France, le fait qu’un bâtiment ou une œuvre soit situé sur la voie publique ne vous permet pas d’en publier des photos sans l’autorisation de l’auteur (voir De la liberté de panorama). Ce principe est soumis à des exceptions issues de la jurisprudence (et du bon sens) : tout va bien si l’œuvre en question occupe une part négligeable de la photo dont elle n’est pas le sujet principal. C’est l’exception dite de l’accessoire (voir De minimis non curat praetor). L’exception peut-elle être étendue aux photos où un bâtiment protégé figure en bonne place, mais en arrière-plan à un événement d’actualité se déroulant sur la voie publique ? Pensons par exemple à l’allocution d’un chef d’État devant la Pyramide du Louvre ou à une course dont l’arrivée se ferait devant la Grande Arche de La Défense.

J’ai souvent recherché de la jurisprudence sur le sujet, sans guère de succès, avant de trouver celle-ci. En l’espèce, un photographe édite des cartes postales représentant l’inauguration d’un monument aux morts de la Première Guerre mondiale, sans demander l’autorisation du sculpteur auteur de l’œuvre. Il est condamné le 24 juillet 1924 par le Tribunal de commerce de Mirecourt (Imprimerie Champenoise c. Delhoy) :

En reproduisant en cartes postales le monument, il a commis une faute portant atteinte aux droits exclusifs de reproduction concédés par le sculpteur aux deux sociétés demanderesses qu’en effet, l’une des cartes a bien eu en vue la reproduction du monument qui est l’objet principal de cette carte et que l’intention de M. Delhoy [le photographe] est bien nette puisque la carte porte le nom ‘Le Monument’, indiquant ainsi la volonté de reproduire l’œuvre principalement.

Ici, les habitués de Wikimedia Commons reconnaîtront la ligne de défense « mais ma photo Stade_de_France.jpg représente le banc situé devant le Stade de France, le stade lui-même est accessoire ». Camarade admin Commons, tu peux donc désormais répondre « ha, ha, ha » en ayant la jurisprudence pour toi. Au passage, je me fie ici à André Bertrand dans Le Droit d’auteur et les droits voisins (1999, p. 659, note 3). Comme l’indique lui-même Me Bertrand, cette jurisprudence est souvent citée à tort, y compris par Henri Desbois en personne&nbsp,: le photographe a bel et bien été condamné.

Peut-on conclure de cette jurisprudence que si le monument n’avait pas été l’objet principal de la photo, il n’y aurait pas eu contrefaçon ? Au final, on n’est pas plus avancés.

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