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Frigo-Buffet

11 juin 2010

Tous les étudiants en droit le savent, on retient d’autant mieux une jurisprudence que le cas d’espèce est rigolo. Le droit de la propriété intellectuelle ne fait pas exception. Nous avons déjà eu l’occasion de voir les poulets de Loué en action ; nous restons dans le registre culinaire avec l’affaire du frigo Buffet, qui éclaire les rapports entre droit d’auteur et propriété physique d’une œuvre d’art.

Dans tous les pays, le fondement du droit d’auteur repose sur la distinction entre bien corporel (morceau de marbre, toile couverte de peinture, chaise, etc.) et bien incorporel (statue, tableau, chaise). Le support de l’œuvre est régi par les règles civiles en vigueur, comme n’importe quel bien mobilier. Le principe est simple, mais la pratique plus compliquée.

L’artiste Bernard Buffet peint une nature morte sur un réfrigérateur qui est vendu aux enchères au profit d’une œuvre de bienfaisance. Son acquéreur entreprend aussi sec de découper les panneaux de l’appareil pour les revendre séparément. Refroidi, Buffet fait opposition à la vente et saisit la justice, réclamant un franc de dommages intérêts pour atteinte à son droit moral (droit au respect de l’intégrité de l’œuvre). Le juge de première instance se borne à reconnaître l’atteinte.

Le bouillant peintre interjette appel et réclame cette fois la restitution des panneaux de tôle pour destruction. La Cour d’appel de Paris n’ordonne pas la restitution, mais interdit au propriétaire de vendre les panneaux séparément. Nous sommes alors le 30 mai 1962.

Le propriétaire se pourvoit en cassation, arguant que M. Buffet est l’auteur du décor, mais non de l’appareil ménager ; le découpage de ce dernier ne constitue donc pas une atteinte à la création picturale. Enfin, la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi le 6 juillet 1965 :

« …entendu que le droit moral qui appartient à l’auteur d’une œuvre artistique donne à celui-ci la faculté de veiller, après sa divulgation au public, à ce que son œuvre ne soit pas dénaturée ou mutilée lorsque, comme en l’espèce, la cour relève souverainement que l’œuvre d’art litigieuse, acquise en tant que telle, constituait “une unité dans les sujets choisis et dans la manière dont ils (avaient) été traités”, et que, par le découpage des panneaux du réfrigérateur, l’acquéreur l’avait “mutilé”. »

Pensez-y au moment d’aller vous ravitailler en bière pendant cette Coupe du monde de football.

5 commentaires leave one →
  1. 11 juin 2010 21:57

    mouarf.

  2. 12 juin 2010 00:35

    Il y a une typo à « Benard Buffet », il me semble 😉

  3. 22 juin 2010 12:01

    Influencé par l’aspect alimentaire, j’ai d’abord lu « un flan de dommages et intérêts », avant de corriger…

  4. 6 juillet 2010 04:01

    Si un jour je peins sur un frigo et que celui ci finit entre vos mains, je vous autorise a le decouper… lol

    Gilles

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